Refus d’homologation d’un projet de distribution du prix en saisie immobilière : la Cour encadre strictement la recevabilité du pourvoi
civ. 2e, 27 mars 2025, n° 22-20.194. Le pourvoi contre une ordonnance du juge de l’exécution refusant d’homologuer un projet de distribution du prix de vente en saisie immobilière n’est recevable qu’en cas d’excès de pouvoir. Cette décision, qui s’inscrit dans une jurisprudence constante, illustre la rigueur du contrôle juridictionnel et ses limites pour les créanciers, tout en soulignant le rôle restreint du JEX dans la vérification du respect de l’ordre public.

Civ2., 27 mars 2025, n° 22-20.194
Recevabilité du pourvoi en cassation en saisie immobilière : cadre légal et rappel jurisprudentiel
La recevabilité du pourvoi en cassation contre une ordonnance du JEX refusant l’homologation d’un projet de distribution du prix est strictement encadrée par les articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile.
Seules les décisions qui mettent fin à l’instance ou relèvent d’un excès de pouvoir sont recevables.
L’arrêt du 27 mars 2025 rappelle que le pourvoi immédiat n’est possible que dans ces cas précis, conformément à la doctrine et à la jurisprudence antérieure.
Ainsi, la doctrine expose que « sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements en dernier ressort qui ne mettent pas fin à l’instance ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que s’ils tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal.
Il n’est dérogé à cette règle qu’en cas d’excès de pouvoir » (Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances, Distribution amiable, Voies de recours).
Saisie immobilière et distribution du prix : articulation de la procédure et pouvoirs du JEX
La jurisprudence constante, notamment les arrêts du 18 octobre 2012 (n° 11-20.314) et du 6 septembre 2018 (n° 17-21.337), précise que le pourvoi est recevable contre une ordonnance homologuant le projet de distribution du prix uniquement si elle met fin à la procédure de saisie immobilière (Revue de jurisprudence de droit des affaires RJDA 2021, Paiement).
La procédure de saisie immobilière et la distribution du prix sont indissociables : la procédure s’achève avec la distribution effective. Le pourvoi demeure recevable en cas d’excès de pouvoir du JEX, exception appréciée de façon stricte. La doctrine rappelle : « la saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d'une même procédure de sorte que la procédure de saisie immobilière dure tant que dure la distribution...
Ainsi, la distribution, qui termine la procédure de saisie immobilière, rend le pourvoi recevable, mais il faut pour cela que la procédure soit effectivement éteinte, ce qui est le cas lorsque le projet de distribution est homologué (Cass. 2e civ. 18-10-2012 n° 11-20.314 FS-PB : Bull. civ. II n° 172 ; Cass. 2e civ. 6-9-2018 n° 17-21.337 F-PB : RJDA 1/19 n° 41), mais pas, et c'est ce qui est clairement énoncé dans l'arrêt commenté, dans le cas inverse. En revanche, le pourvoi est toujours recevable en cas d'excès de pouvoir commis par le juge » (RJDA 2021).
Excès de pouvoir du juge de l’exécution : définition et portée
La notion d’excès de pouvoir est définie de manière restrictive : le JEX ne doit pas apprécier le fond du projet de distribution, sauf à vérifier la conformité à l’ordre public (Revue de jurisprudence de droit des affaires RJDA 2021, Paiement).
Son contrôle se limite à la régularité de la procédure et à l’absence de contrariété à l’ordre public. Un refus d’homologation pour des motifs de fond constitue un excès de pouvoir (Recueil Dalloz 2021, Droit de l’exécution).
Le juge doit veiller à ce que toutes les parties aient pu exercer leurs droits de contestation dans le délai imparti par l’article R. 332-5 du code des procédures civiles d’exécution, sans se saisir du fond du litige. La doctrine souligne : « Le juge n’a pas à examiner le fond, la répartition du prix, ni à élaborer lui-même le projet, mais seulement à opérer un contrôle de la régularité de la procédure afin de vérifier que tous les créanciers et le débiteur ont été en mesure de faire valoir leurs contestations ou réclamations dans le délai prévu à l’article R. 332-5 » (Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances).
La Cour de cassation examine d'office la recevabilité du pourvoi pour finalement l'admettre, mais à titre exceptionnel, uniquement « si un excès de pouvoir se trouve caractérisé ». Pourquoi ? Parce que l'ordonnance par laquelle le juge refuse d'homologuer le projet de distribution ne met pas fin à l'instance, et que les pourvois immédiats à l'encontre des décisions juridictionnelles rendues en dernier ressort ne mettant pas fin à l'instance ne sont pas recevables (C. pr. civ., art. 606, 607 et 608), sauf précisément en cas d'excès de pouvoir (Revue trimestrielle de droit civil 2020).
Impact pour les créanciers chirographaires et limites du recours
Pour les créanciers chirographaires, l’arrêt du 27 mars 2025 est lourd de conséquences : ceux qui ne sont pas admis à la distribution du prix ne peuvent contester le projet que pour vice de procédure ou contrariété à l’ordre public. La doctrine souligne que l’accès au recours est ainsi limité, ce qui peut soulever des questions au regard du droit à un recours effectif garanti par la CEDH.
La Cour de cassation n’admet l’excès de pouvoir que très exceptionnellement, comme le rappelle la doctrine : « il faut rappeler que la Cour de cassation a une conception très stricte de cette notion et qu'en matière de saisie immobilière, elle n'a retenu l'existence d'un excès de pouvoir que très exceptionnellement » (Recueil Dalloz 2013). La sécurité et la célérité de la procédure sont privilégiées par la Haute juridiction.
Il entre dans les pouvoirs du JEX de refuser d’homologuer un projet dont les termes prévoient le versement de sommes au titre de la commission de l’agence immobilière ou à un ou plusieurs créanciers chirographaires non admis à participer à la distribution, d’autant plus que les autres créanciers chirographaires ne peuvent exercer un recours contre le projet de distribution (Cass. 2e civ., 27 mars 2025, n° 22-20.194, Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances).
Points clés pour les professionnels et praticiens du droit
Cet arrêt constitue une source clé pour qui souhaite comprendre la portée du contrôle du juge de l’exécution en matière de distribution du prix en saisie immobilière, la recevabilité du pourvoi en cassation, la notion d’excès de pouvoir et les droits des créanciers chirographaires.
La deuxième chambre civile affirme clairement la limite des pouvoirs du juge de l’exécution en phase de distribution : celui-ci n’a pas à apprécier sur le fond le projet de distribution s’il a été accepté par les parties, sauf à vérifier la conformité de ce projet à l’ordre public (Recueil Dalloz 2021).
Le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir d'apprécier sur le fond le projet de distribution, sauf à vérifier la conformité de ce projet à l'ordre public (Revue de jurisprudence de droit des affaires RJDA 2021).
Références doctrinales et jurisprudentielles pour approfondir
L’arrêt s’appuie sur une jurisprudence constante et une doctrine abondante, notamment Dictionnaire Permanent Recouvrement de créances 1 8, Revue de jurisprudence de droit des affaires RJDA 2021 , Revue trimestrielle de droit civil 2020 3, Recueil Dalloz 2021 7, Recueil Dalloz 2013.
Pour aller plus loin, il est pertinent d’analyser la distinction entre vice de procédure et contrariété à l’ordre public, les marges de contestation offertes aux créanciers évincés, et l’impact potentiel d’un contrôle de conventionnalité sur la procédure de saisie immobilière.
Conclusion : Un arrêt à forte valeur ajoutée
En conclusion, l’arrêt du 27 mars 2025 rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient réaffirmer avec clarté le cadre strict de la recevabilité du pourvoi en cassation dans le contexte de la saisie immobilière, en particulier lorsqu’il s’agit d’une ordonnance du juge de l’exécution refusant l’homologation d’un projet de distribution du prix. En limitant les possibilités de recours immédiat aux seuls cas où la décision met fin à l’instance ou se caractérise par un excès de pouvoir, la Cour confirme une jurisprudence constante et privilégie la sécurité ainsi que la célérité des procédures d’exécution.
Cette rigueur, saluée pour sa cohérence procédurale, n’en soulève pas moins des interrogations sur la protection effective des droits des créanciers chirographaires, souvent privés de tout recours en dehors de vices de procédure ou d’une contrariété manifeste à l’ordre public. Si la doctrine relève la rareté du constat d’excès de pouvoir par la Cour de cassation, la solution retenue vise à préserver l’efficacité et la prévisibilité de la procédure de distribution du prix.
Cet arrêt, solidement ancré dans la lignée de précédentes décisions et abondamment commenté par la doctrine, constitue ainsi une référence incontournable pour les praticiens du droit de l’exécution, les créanciers et les débiteurs, et invite à une réflexion plus large sur l’équilibre entre sécurité procédurale et droit à un recours effectif en matière de saisie immobilière.
"la Cour de cassation examine d'office la recevabilité du pourvoi pour finalement l'admettre, mais à titre exceptionnel, uniquement « si un excès de pouvoir se trouve caractérisé »…" (Revue trimestrielle de droit civil 2020)
"il faut rappeler que la Cour de cassation a une conception très stricte de cette notion et qu'en matière de saisie immobilière, elle n'a retenu l'existence d'un excès de pouvoir que très exceptionnellement" (Recueil Dalloz 2013)
