Erreur sur le montant réclamé dans l'acte de saisie-attribution : la nullité de l'acte écartée, la réduction du montant privilégiée
civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.591. La cour confirme que l'inclusion, dans l'acte de saisie-attribution, de sommes relatives à d'autres titres non visés ne constitue pas une cause de nullité de l'acte, mais entraîne seulement une réduction du montant réclamé.

civ. 2, 27 mars 2025, n° 22-18.591
I. Régularité formelle de l’acte de saisie-attribution et contrôle du JEX
Le JEX exerce un contrôle strict sur la forme des actes de saisie-attribution, imposant le respect des mentions obligatoires prévues par le code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et le CPC. Sont ainsi visés tout manquement à la forme (défaut de mentions requises, erreurs dans la signification, confusion entre plusieurs créances ou titres exécutoires).
« Ce peut être les manquements aux règles sur la forme des significations C. pr. civ., art. 651 et s. , le défaut des mentions requises à peine de nullité par le code des procédures civiles d'exécution pour les actes de chacune des mesures d'exécution [...] Ces nullités suivent le régime des articles 112 et suivants du code de procédure civile. S'agissant pour la plupart de nullités pour vice de forme, elles doivent être soulevées avant toute défense au fond et il faut apporter la preuve d'un grief. »
II. Preuve du grief en matière de vice de forme
Le principe est limpide : la nullité pour vice de forme n’est encourue que sur justification du grief pour le débiteur, y compris en présence d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
« En application de l’article 114 C. pr. civ., la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même s’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. Seul le destinataire de cet acte est par conséquent recevable à se prévaloir de sa nullité en raison d’un tel vice Civ. 2e, 1er sept. 2016, n° 15-16.918, P II, n° 196. »
Cette exigence vise à éviter un excès de formalisme ; la nullité n’est pas automatique, encore faut-il démontrer que l’irrégularité a effectivement nui à la défense ou à la compréhension du débiteur.
III. Portée de l’autorité de la chose jugée des décisions du JEX
Le JEX statue au principal sur les contestations relatives à la mesure d’exécution (régularité, montant, imputation, etc.). Sa décision a autorité de la chose jugée, sauf cas particuliers (paiement provisionnel ou difficultés d’exécution soulevées par l’huissier).
« Le JEX statue au principal et non pas par une décision provisoire, sur la contestation qui lui est soumise. Il doit donc aller, dans son jugement et l’appréciation des faits, plus loin que l’apparence et le défaut de contestation sérieuse. Il doit trancher la contestation sans rester à la surface des choses et du droit applicable, afin que l’exécution puisse continuer ou soit annulée. Les décisions du JEX ont ainsi, au regard des dispositions de l’article 480 du code de procédure civile, autorité de la chose jugée quant à la contestation qu’elles tranchent, objet du litige entre les parties. »
Cette autorité ne joue pas lorsque le JEX statue à titre provisoire sur des mesures comme le paiement à valoir ou sur des difficultés d’exécution.
IV. Articulation entre recours en nullité et recours en rectification de montant
Le débiteur dispose de deux voies principales : le recours en nullité pour vice de forme et le recours en rectification du montant réclamé. La nullité suppose la démonstration du grief ; la rectification vise notamment les erreurs de calcul ou l’inclusion de sommes non justifiées. Les deux actions peuvent être cumulées ou articulées selon la nature du vice :
- Le recours en nullité vise les irrégularités formelles rendant impossible la vérification ou la défense du débiteur.
- Le recours en rectification de montant permet d’obtenir la réduction du montant réclamé en cas d’erreur sans entraîner la nullité de l’acte, conformément à la jurisprudence constante : « l’erreur portant sur la somme réclamée dans un acte de saisie-attribution n’est pas une cause de nullité de l’acte ».
V. Cas particuliers : pluralité de titres exécutoires et titres internationaux
A. Pluralité de titres exécutoires
En présence de plusieurs titres constatant des créances distinctes, l’acte doit contenir un décompte distinct (principal, intérêts, frais) pour chaque titre, à peine de nullité si un grief est établi.
« Lorsqu’un acte de saisie-attribution est délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires constatant des créances distinctes, l’acte de saisie doit contenir un décompte distinct en principal, frais et intérêts échus pour chacun d’eux, en application de l’article R. 211-1, 3°, du code des procédures civiles d’exécution. [...] la démonstration du grief doit être rapportée. Ici, le saisi établissait que l’unique décompte produit ne permettait pas de procéder à la vérification de la créance qui lui était réclamée (Civ. 2e, 23 févr. 2017, n° 16-10.338, D. 2017. 518). »
B. Titres exécutoires internationaux
Lorsque la saisie-attribution est pratiquée sur le fondement de titres étrangers ou européens, se posent des questions d’équivalence formelle et de reconnaissance automatique. Le JEX doit vérifier la régularité formelle au regard de la loi de l’acte (lex fori) tout en respectant les exigences du droit international ou européen.
La pluralité de titres internationaux impose également une présentation distincte pour chaque créance, sous peine de nullité si un grief est démontré, et sous réserve des adaptations prévues par les règlements européens (ex. : Règlement Bruxelles I bis, Règlement sur le titre exécutoire européen).
VI. Modalités procédurales et délais
- Les recours doivent être formés dans le mois suivant la dénonciation de la saisie au débiteur, à peine d’irrecevabilité, et dénoncés le même jour à l’huissier 10.
- L’irrecevabilité est encourue de plein droit, sauf si l’huissier a déjà été informé par une assignation à domicile élu.
VII. Critique et portée de la solution
La jurisprudence et la doctrine prônent un équilibre : éviter les nullités excessives qui paralyseraient la procédure, tout en garantissant la protection du débiteur lorsque l’irrégularité porte réellement atteinte à ses droits. En matière de titres internationaux, la vigilance s’impose pour assurer une articulation efficace entre exigences nationales de forme et reconnaissance supranationale.
Conclusion
L’arrêt du 27 mars 2025 s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle claire : le contrôle du JEX sur la régularité formelle est exigeant mais tempéré par l’exigence de preuve du grief. L’autorité de la chose jugée des décisions du JEX assure la sécurité des procédures, tandis que les recours en nullité et en rectification de montant offrent une protection complémentaire au débiteur, notamment en cas de pluralité de titres, y compris internationaux.
