Magicobus II : La procédure orale à l’heure de la formalisation – Sécurisation des écritures ou fin de l’oralité ?
Le décret Magicobus II redessine les frontières de la procédure orale devant les juridictions civiles. Si l’oralité demeure une option, le choix collectif des avocats d’échanger des conclusions transforme le débat : sécurité juridique renforcée, clarté procédurale… mais aussi encadrement accru des échanges. Entre rationalisation et préservation du choix procédural.
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Magicobus II : la formalisation de la procédure orale, entre sécurisation et préservation du choix procédural
Décret n°2025-619 du 8 juillet 2025 et de sa circulaire de présentation
1. Le contexte de la réforme et ses ambitions
Le décret Magicobus II, entré en vigueur au 1er septembre 2025, s’inscrit dans une dynamique globale de simplification et de modernisation de la procédure civile.
Porté par le ministère de la Justice, il résulte d’une concertation approfondie avec les praticiens et vise à répondre aux attentes exprimées de longue date par les juridictions et les professionnels du droit.
Il s’inscrit également dans le plan de transformation numérique de la justice. L’un des axes majeurs du texte porte sur la rationalisation et la dématérialisation des échanges, mais aussi sur la clarification de l’articulation entre oralité et écrit en procédure civile, notamment à travers la restructuration de l’article 446-2 du Code de procédure civile et la création de l’article 446-2-1.
2. Le nouvel équilibre entre écrit et oralité en procédure orale
La réforme introduite par Magicobus II ne fait pas disparaître l’oralité de la procédure orale, mais en redéfinit les contours.
Désormais, lorsque toutes les parties comparantes sont assistées ou représentées par un avocat et font le choix d’exprimer leurs demandes et moyens par écrit après renvoi, leurs conclusions doivent formuler explicitement toutes les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit, et ce sont ces écritures qui lient le juge.
Cette évolution, confirmée par la circulaire d’accompagnement, s’applique même en l’absence de calendrier de procédure fixé par le juge.
Il convient de souligner que cette formalisation ne s’impose que dans une configuration précise : le recours à des écritures par tous les avocats présents dans le dossier. Si ce choix n’est pas fait collectivement, ou si l’une des parties n’est pas assistée par un avocat, le principe de l’oralité demeure pleinement applicable.
3. Sécurisation et rationalisation : une réponse à la pratique
Le texte vient consacrer et sécuriser une pratique déjà largement répandue, celle du recours aux écritures en procédure orale dès lors que les avocats souhaitent structurer le débat et clarifier les demandes.
L’objectif affiché par le ministère n’est pas de basculer toute procédure orale vers l’écrit, ni d’y instaurer systématiquement un régime de clôture. Il s’agit avant tout de garantir la lisibilité et la prévisibilité des débats, tout en facilitant la tâche du juge et la compréhension par les parties.
La procédure orale reste donc un espace de souplesse et de liberté tant que les parties n’ont pas choisi, collectivement et avec l’assistance d’un avocat, de structurer leurs échanges par des conclusions écrites.
« La juridiction ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. »
4. Un champ d’application strictement délimité
La portée du dispositif doit être relativisée :
- Il ne concerne que les affaires où toutes les parties sont représentées ou assistées par avocat et où le choix des écritures est partagé.
- En dehors de cette situation (notamment lorsqu’une partie n’a pas d’avocat ou que les avocats souhaitent maintenir l’oralité), la procédure orale conserve toute sa vigueur.
- Il n’y a pas d’automatisme ni de suppression de l’oralité : le décret laisse intact le principe du débat oral dès lors que les conditions précitées ne sont pas réunies.
La circulaire de présentation du décret insiste sur ce point :
« Les dispositions de ce texte, inchangées sur le fond, imposent des conditions de forme aux conclusions d’avocats dès lors que toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat. […] Elles ne s’appliquent en revanche qu’en cas de renvoi, ce que les nouveaux articles indiquent désormais expressément. »
« Ces deux dispositions nouvelles sont applicables indépendamment du fait que le juge ait ou non fixé des délais d’échange et donc un calendrier de procédure, ce que l’autonomisation du texte clarifie. »
5. Une évolution, pas une révolution
Ce mouvement de rationalisation ne doit pas être interprété comme une rigidification absolue (espérons-le) :
- Il permet de sécuriser les échanges écrits là où les avocats le souhaitent, tout en conservant la possibilité d’un débat oral dans les autres hypothèses.
- Il ne fait pas de la procédure orale une procédure écrite déguisée : l’absence de mécanisme de clôture, la faculté de revenir à l’oralité selon la configuration du dossier et la souplesse conservée dans la gestion des audiences restent des garanties fondamentales.
6. Conclusion : vers un contentieux civil mieux adapté aux besoins des parties
La réforme Magicobus II n’enterre pas l’oralité, mais adapte la procédure aux attentes des praticiens, en offrant davantage de clarté, de sécurité juridique et de lisibilité.
Elle laisse subsister le choix procédural et ne vise qu’à formaliser et sécuriser ce qui, dans la pratique, était déjà largement pratiqué à l’initiative des avocats. En ce sens, le décret opère une rationalisation bienvenue sans porter atteinte au principe fondamental du débat oral, pilier du procès civil "à la française".
En attendant Magicobus III.
