Litige de voisinage: la photo par drone retenue en appel

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 3 juillet 2025: validation d’un constat par drone pour caractériser un trouble anormal de voisinage. Analyse juridique, bonnes pratiques et impacts pour les professionnels.

Chapô


La Cour d’appel d’Aix-en-Provence admet une photographie aérienne par drone, réalisée par commissaire de justice, pour objectiver l’ombre portée d’une haie et caractériser un trouble anormal de voisinage. Un jalon probatoire qui modernise la preuve civile tout en cadrant son usage.

Contexte et enjeux


La numérisation de la preuve atteint désormais la sphère des constats civils, où le drone s’impose comme un instrument de visualisation globale des situations matérielles litigieuses. L’arrêt du 3 juillet 2025 consacre une pratique émergente des commissaires de justice, en reconnaissant la pertinence probatoire d’une vue aérienne pour apprécier l’ampleur d’un trouble.

Les faits


Le litige portait sur une haie de cyprès, haute et dense, implantée à distance légale mais générant une perte d’ensoleillement jugée excessive. Plusieurs constats ont été réalisés, dont une photographie par drone prise à 14h39, montrant l’ombre portée sur la façade sud-ouest et le toit-terrasse de la propriété voisine, élément déterminant dans l’appréciation du trouble.

Ce que dit l’arrêt

La Cour retient que la vue aérienne par drone, intégrée à un constat de commissaire de justice, met en évidence la projection d’une ombre importante et la sensation d’enfermement créée par un mur végétal permanent, validant ainsi l’utilité probatoire de cette perspective. La décision confirme les mesures d’élagage et indemnise le préjudice de jouissance, tout en assortissant la mise en conformité des eaux pluviales d’une astreinte.

Trouble de voisinage: articulation

Même à distance légale, la combinaison hauteur/densité/implantation peut rendre le trouble anormal au regard des circonstances locales. La photographie aérienne a ici objectivé la diminution d’ensoleillement sur la durée et la surface, dépassant les constats au sol souvent fragmentaires. Cette approche facilite la démonstration d’une gravité certaine du trouble.

Cadre légal et pratique


Le recours au drone en preuve civile s’inscrit dans la liberté de la preuve, sous réserve du respect des règles de survol, de la vie privée et de la loyauté. Les organisations professionnelles et éditeurs métiers ont déjà balisé la pratique des constats par drone, avec des protocoles et guides opérationnels à destination des commissaires de justice.

Bonnes pratiques (checklist)

  • Mandater un commissaire de justice équipé et assuré pour l’aérien.
  • Documenter l’horaire, les conditions météo et l’orientation pour corréler la course du soleil.CA-Aix-en-Provence-ch.-1-5-3-juil.-2025-ndeg-22-09734.pdf
  • Intégrer la vue aérienne à un corpus probatoire (photos au sol, plans, mesures) pour la cohérence.
  • Respecter zones de vol, vie privée, et périmètre utile au litige; éviter les prises disproportionnées.
  • Assurer la traçabilité: horodatage, chaîne de conservation, et mentions techniques dans le procès-verbal.

Limites et risques


Un survol irrégulier ou portant atteinte à la vie privée peut fragiliser la recevabilité et exposer à des contestations, d’où l’intérêt d’un professionnel aguerri. Le drone ne remplace pas les autres preuves: il complète et objectivise, mais ne suffit pas à lui seul si le trouble n’atteint pas un seuil d’anormalité.

Cas d’usage au-delà du voisinage

  • Empiètements, alignements, servitudes de vue: appréciation globale des emprises.
  • État des toitures et façades en hauteur: sécurité et visibilité accrues.
  • Chantiers et référés: photogrammétrie de l’avancement, zones inaccessibles, sinistres.

Conseils opérationnels

  • Pour les avocats: anticiper l’argumentaire sur la loyauté, la proportionnalité et la pertinence des angles de vue; articuler drone + constats chronologiques pour traiter la saisonnalité de l’ensoleillement.
  • Pour les justiciables: consigner les effets concrets (humidité, photos intérieures/terrasse, factures) afin de relier l’image aérienne à un préjudice réel et actuel.

FAQ rapide

  • Le drone est-il « recevable » par principe? La preuve est libre en matière civile, sous réserve de loyauté et de respect des droits fondamentaux; la Cour d’appel ici admet la photographie aérienne intégrée à un constat.
  • Faut-il un commissaire de justice? Recommandé pour sécuriser la régularité du vol, de la captation et de la rédaction du constat.
  • Et la vie privée? Cadrer strictement la zone litigieuse, flouter le superflu, et respecter les règles aériennes.

Conclusion

En admettant la photographie par drone comme élément probatoire pertinent, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence fait entrer la preuve aérienne dans le quotidien des contentieux civils. À condition d’un usage loyal, encadré et proportionné, le drone renforce l’objectivité des constats et facilite l’appréciation globale de troubles matériels, notamment en voisinage.

Guillaume Fricker | Avocat

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