Procédure d'Injonction de Payer et Dégradations Locatives

Recouvrement des créances liées aux dégradations locatives. Encadrement du recours à la procédure d'injonction de payer. Civ3, 27 mars 2025, n°23-21.501

Recouvrement des créances liées aux dégradations locatives. Encadrement du recours à la procédure d'injonction de payer.

Contexte

L'affaire opposait des locataires (M. et Mme [U]) à une compagnie d'assurance (société Filhet Allard et Cie) qui s'était subrogée dans les droits des bailleurs après les avoir indemnisés pour des dégradations constatées dans le logement après sa restitution. La société d'assurance avait obtenu une ordonnance d'injonction de payer contre les locataires le 18 novembre 2022, à laquelle ces derniers s'étaient opposés.

Les locataires contestaient la recevabilité même de la procédure d'injonction de payer pour recouvrer une créance résultant de dégradations locatives. Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux avait rejeté cette argumentation dans son jugement du 10 juillet 2023.

Points juridiques essentiels

Conditions de recevabilité de la procédure d'injonction de payer

La Cour de cassation s'est fondée sur l'article 1405 du code de procédure civile qui encadre strictement le recours à la procédure d'injonction de payer1. Selon cet article, cette procédure simplifiée ne peut être utilisée que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • La créance doit avoir une cause contractuelle
  • Le montant de la créance doit être déterminé en vertu des stipulations du contrat lui-même1

Solution juridique adoptée

La Haute juridiction casse partiellement le jugement attaqué en établissant clairement que :

"Le recouvrement d'une créance réclamée au titre de dégradations locatives, non déterminée en vertu des seules stipulations du contrat de bail, ne peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer".

La Cour a considéré que si la créance avait bien une origine contractuelle (le contrat de bail), son montant n'était pas déterminé par les stipulations du contrat lui-même mais résultait d'une évaluation postérieure des dégradations. En effet, le tribunal avait relevé que le montant était mentionné dans une lettre de l'agence mandataire et dans la quittance subrogative, et non dans le contrat initial1.

Portée juridique de cette décision

Cette décision a plusieurs implications importantes :

Pour les bailleurs et les assurances :

  • Impossibilité d'utiliser la procédure simplifiée d'injonction de payer pour récupérer des sommes liées aux dégradations locatives
  • Nécessité de recourir à des procédures contentieuses ordinaires, potentiellement plus longues et coûteuses

Pour les locataires :

  • Renforcement de la protection procédurale en cas de litige sur les dégradations
  • Garantie d'un débat contradictoire approfondi avant toute condamnation

Pour les praticiens du droit :

  • Clarification de l'interprétation de l'article 1405 du code de procédure civile
  • Distinction nette entre créances dont le montant est déterminé par le contrat et créances nécessitant une évaluation extérieure au contrat

Conclusion

Cet arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2025 précise utilement le régime juridique applicable au recouvrement des créances liées aux dégradations locatives. Il confirme que la procédure d'injonction de payer, en raison de son caractère simplifié et non contradictoire dans sa phase initiale, est soumise à des conditions strictes qui ne sont pas remplies lorsque le montant de la créance n'est pas déterminé par les stipulations contractuelles elles-mêmes1.

Cette jurisprudence s'inscrit dans une tendance de la Cour de cassation à encadrer strictement l'utilisation des procédures simplifiées de recouvrement, afin de garantir les droits de la défense, particulièrement dans le domaine sensible des relations locatives.

Guillaume Fricker | Avocat

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