Devoir information précontractuelle : précisions sur art. 1112-1
la chambre commerciale précisArticle 1112-1 du Code civil. La Cour exige désormais la preuve du lien direct ET du caractère déterminant de l'information pour le consentement. Une interprétation restrictive sécurisante. Cass Com, 14 mai 2025, 23-17.948 23-18.049 23-18.082

Le devoir d'information précontractuelle redéfini par la Cour de cassation : une interprétation exigeante et structurante de l'article 1112-1 du Code civil
Dans un arrêt du 14 mai 2025, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte une clarification essentielle sur le régime de l'obligation d'information précontractuelle en matière de cession de droits sociaux.
Cette décision (n° 23-17.948, 23-18.049 et 23-18.082) précise les conditions cumulatives exigées par l'article 1112-1 du Code civil, en réaffirmant une interprétation restrictive qui renforce la sécurité juridique des transactions tout en préservant l'exigence de consentement éclairé.
Le cadre juridique de l'obligation d'information précontractuelle
La genèse législative de l'article 1112-1
Introduit par l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, l'article 1112-1 du Code civil consacre un devoir d'information précontractuelle autonome. Ce texte rompt avec la construction jurisprudentielle antérieure en posant un cadre normatif unifié.
La Cour de cassation rappelle que cette obligation "ne porte que sur les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties, et dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie".
La double condition cumulative
L'apport principal de l'arrêt réside dans l'affirmation sans équivoque du caractère cumulatif des deux critères légaux. La Haute juridiction rejette explicitement toute interprétation extensive qui réduirait ces conditions à une simple alternative. Cette position se déduit notamment du rejet des moyens soulevés par les requérants, qui postulaient une application automatique du devoir d'information dès lors qu'une information présentait un lien avec l'objet du contrat1.
Analyse détaillée des critères juridiques
Le lien direct et nécessaire avec le contrat
La Cour précise que le "lien direct et nécessaire" doit s'apprécier au regard de l'objet essentiel du contrat. Dans le cas d'une cession de parts sociales, cet objet se limite strictement aux droits sociaux transférés, indépendamment des modalités d'exploitation de l'activité sociale.
Cette distinction jurisprudentielle écarte donc toute extension du devoir d'information aux éléments périphériques liés à l'exploitation future du fonds.
Le caractère déterminant pour le consentement
Le second critère exige une démonstration concrète de l'impact causal de l'information sur la décision contractuelle. La Cour valide ici l'appréciation souveraine des juges du fond, qui avaient estimé que la possibilité de pratiquer la friture ne constituait pas un élément déterminant pour le consentement du cessionnaire1. Cette analyse factuelle s'appuie sur l'absence de preuve d'une mention expresse de cet élément durant les négociations1.
Les implications pratiques pour les acteurs économiques
Pour les cédants : un cadre sécurisé mais exigeant
L'arrêt offre aux cédants une meilleure prévisibilité quant au périmètre de leur obligation d'information. La dissociation opérée entre le contenu du contrat (cession de parts) et les conditions d'exploitation du fonds limite les risques de responsabilité post-contractuelle1. Néanmoins, cette sécurité relative n'autorise aucune négligence dans la communication des informations intrinsèquement liées aux droits sociaux cédés1.
Pour les cessionnaires : l'impératif de diligence renforcée
La décision souligne l'importance cruciale de la due diligence préalable. Les acquéreurs doivent systématiquement documenter leurs attentes spécifiques et formaliser par écrit les éléments déterminants de leur consentement1. La Cour rappelle à cet égard que la charge de la preuve pèse sur le cessionnaire pour établir le caractère essentiel de l'information non communiquée1.
L'impact sur la technique contractuelle
La rédaction des actes de cession
Les praticiens devront intégrer cette jurisprudence dans la rédaction des pactes d'actionnaires et des contrats de cession. L'inclusion de clauses spécifiques listant les informations considérées comme déterminantes permettra de sécuriser les parties contre les risques de contentieux ultérieurs1.
L'articulation avec les garanties de passif
La décision renforce l'intérêt des garanties contractuelles qui viennent compléter le régime légal de l'information précontractuelle. Les garanties d'actif et de passif apparaissent comme un instrument essentiel pour couvrir les risques liés aux informations non soumises au devoir d'information strict1.
Portée de l'arrêt
Une lecture strictement civiliste
La Cour de cassation réaffirme une interprétation textuelle de l'article 1112-1, refusant toute contamination par les régimes spéciaux (droit de la consommation, droit boursier). Cette position préserve la cohérence du droit commun des contrats1.
L'équilibre entre sécurité juridique et protection du consentement
En limitant strictement le champ de l'obligation d'information, la décision cherche à prévenir les contentieux abusifs tout en maintenant un niveau de protection suffisant pour les parties vulnérables. Cet équilibre délicat traduit une vision pragmatique des relations contractuelles1.
Conclusion : vers une stabilisation jurisprudentielle
L'arrêt du 14 mai 2025 marque une étape décisive dans l'interprétation de l'article 1112-1 du Code civil. En exigeant la réunion cumulative des deux critères légaux, la Cour de cassation offre aux praticiens un cadre prédictible tout en respectant l'esprit de la réforme de 2016.
Cette décision devrait influencer durablement les stratégies contractuelles et contentieuses en matière de cession d'entreprises.
